Comment la filière laitière mondiale intègre le bien-être animal
Si en France les consommateurs sont la principale force motrice pour améliorer le bien-être des animaux d’élevage, ailleurs dans le monde, le sujet est porté par des moteurs distincts.
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Comment prendre en compte le bien-être animal dans le secteur laitier ? C’était l’intitulé d’une table-ronde organisée lors du Sommet mondial du lait, qui s’est tenu à Paris du 15 au 19 octobre 2024. L’évènement a réuni de nombreux scientifiques et représentants des filières laitières internationales, l’occasion d’échanger sur l’intégration progressive du bien-être animal par les filières à travers le monde.
Hétérogénéité des exploitations, coût des investissements, scepticisme des éleveurs et transmission des connaissances font partie des principaux freins relevés par les participants à la table-ronde. L’intégration du bien-être animal varie d’un continent à un autre, tandis qu’en France, la filière laitière s’apprête à appliquer un système d’audit dans toutes ses exploitations bovines pour répondre aux attentes sociétales.
Améliorer la productivité
Au Zimbabwe, pays d’Afrique australe, le principal moteur de la prise en compte du bien-être animal n’est pas le consommateur final, mais la recherche de gain de productivité des troupeaux laitiers, raconte Paidamoyo Chadoka, directrice générale de la Zimbabwe Association of Dairy Farmers. Si des efforts ont été réalisés pour fournir de l’ombre aux bovins et sur la qualité des bâtiments d’élevage entre autres, les grandes différences d’échelle des exploitations rendent très hétérogènes les possibilités d’investissement des éleveurs. Des initiatives pour promouvoir le progrès génétique aux campagnes d’incitation à la vaccination en passant par la formation à l’insémination, « nous [l’association] sommes très actifs », affirme-t-elle.
Faire face au scepticisme des éleveurs
Outre-Atlantique, au Chili, le concept de bien-être animal a beaucoup évolué au cours de la dernière décennie, déclare Alejandra Viedma, vétérinaire et membre du Consorcio Lechero (Consortium laitier). Une première loi sur la protection des animaux a vu le jour en 2009, suivi par trois décrets réglementant les conditions d’élevage, de transport et d’abattage.
Face au « scepticisme des éleveurs », le Consortium a réalisé un travail important de communication sur le bien-être animal et d’accompagnement de sa prise en compte progressive dans la législation du pays. Depuis plusieurs années déjà, des projets sont en cours pour aboutir à une méthode d’évaluation du bien-être au sein de la filière laitière avec des indicateurs, témoigne Alejandra Viedma. Et d’ajouter que cela a entraîné la formation de consultants avec des connaissances de terrain bénéfiques pour la filière.
Le défi de la transmission de connaissances en Inde
En Inde, la filière laitière n’est comparable à celle d’aucun autre pays. Les vaches sont des animaux sacrés, et occupent à ce titre une place spéciale. « Avoir des vaches n’est pas considéré comme un business », confirme Hari Kumar, directeur général adjoint au National Dairy Development Board. Dans ce pays qui compte près de 18 millions de « petites exploitations laitières », 80 % des agriculteurs possèdent une ou deux vaches, rarement plus, explique-t-il.
Lorsque le sujet du bien-être animal est abordé, l’un des principaux défis consiste à former et transmettre des connaissances aux agriculteurs, dans une douzaine de langues distinctes, sur les signes de malaise ou de confort des animaux, les maladies qui touchent les bovins, sur la qualité du lait, ainsi que favoriser leur émancipation.
En France, le rôle essentiel des attentes sociétales
Du côté de la filière laitière française, « la situation est bien différente », constate Alexis Descamps, éleveur et membre du Cniel (Centre national interprofessionnel de l’économie laitière). Ce sont majoritairement les attentes des consommateurs qui ont poussé la filière à agir en faveur du bien-être animal. Conséquence de ces fortes attentes sociétales, les coopératives et industriels laitiers incitent les éleveurs à intégrer davantage de mesures en faveur du bien-être animal au sein des exploitations.
Selon lui, le profil des consommateurs français a évolué, une grande majorité n’ayant désormais pas de lien direct avec le milieu agricole. La crise de la vache folle dans les années 2000 a fortement contribué à ébranler la confiance des Français vis-à-vis de leur alimentation. Aussi, pour répondre aux attentes, la filière a participé à la coconstruction de Boviwell, un outil pour évaluer le bien-être des bovins. Le secteur laitier se fixe pour objectif d’avoir 100 % de ses élevages ayant réalisé l’audit avec la méthode Boviwell en 2025.
En termes de réglementations, de prochaines directives européennes sur les standards de bien-être animal devraient voir le jour à l'horizon de 2026, engendrant probablement de nouvelles réglementations en France.
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